dimanche 11 mai 2014

Relique pas ma guitare comme ça !

Ceux qui me connaissent le savent. Je suis un psychomaniaque lorsqu’il s’agit des instruments que j’achète. Du moins au début. La moindre rayure, le moindre micro signe de détérioration me rend malade. Le temps faisant, je laisse ces signes normaux d’utilisation s’installer tout en essayant bien sur d’éviter les dommages impactant sur l’esthétique de manière trop voyante, ou pire, sur le son.

Après tout, ces traces sont preuves d’un instrument qui vit, qui est utilisé, travaillé : le vernis qui s’en va à cause du jeu au médiator ou de l’appui de l’avant bras sur la table. Les micros rayures au dos dues aux frottements contre les vêtements, ceinture et autres. Un coin de bureau un peu fourbe, une agression par un autre instrument d’un de vos bandmates car la salle de répète ou la scène est trop petite et voilà un nouveau pet sur la tranche de votre biniou…. Vernis qui se terni ou s’efface au dos du manche, traces de jeu sur les frettes valent mieux que poussière accumulée sur un instrument qui reste dans un coin de votre chambre.

Quelques années plus tard, ces stigmates sont autant de souvenirs des moments passés avec votre guitare (ou autre). Vous regarderez alors fièrement votre instrument : Hiver 73, salle chauffée à la sueur, deux heures de concert, la sangle qui lâche et vlan, la guitare par terre… J’ai fini le morceau un demi ton en dessus de la basse, mais the show must go on et rock’n roll avant tout.


Eté 89, concert en plein air, un coup de vent et mon ampli qui tombe en plein set… une chance les lampes n’ont rien, mais ma tète Marshall Xb12 à compresseurs analogiques aura gagné une belle balafre et deux potards en moins dans cette bataille estivale.
Vous l’aurez compris, un instrument doit vivre. Certes, plus vous en prendrez soin, plus il durera, mais il y a certaines choses inévitables qui rendront cet instrument unique, cher à vos yeux. Vous aurez ensemble une histoire. Et puis après tout, un petit tour chez le luthier pour les travaux de maintenance régulière ou en cas de gros pépins allongera votre idylle.


(avancez directement à 1:10) Dans ce cas là, un luthier aura du mal...

Il arrive parfois, lors de mes promenades dans des magasins de musique, que certains modèles « uniques » ou en exemplaires limités, ornent l’espace guitares: « Gibson Slash Relic », « Eric Clapton Stratocastère, 10 exemplaires dans le monde »... Les dits instruments, au prix exorbitants absolument injustifiés, tiraient souvent un peu la tronche. Fatiguées les guitounes. Serait-ce réellement le modèle joué par l'artiste en question, tiré de sa collection personnelle?
Il s’avère en fait que ces guitares ont été vieillies artificiellement. Ce sont des vieilles neuves. Ou des neuves vielles. Le procédé est simple. Les fabricants prennent un modèle standard ou alors un modèle signature (c'est-à-dire construit selon les spécifications d’un artiste, puis commercialisé en série). Puis de ce modèle standard, ils s’amusent à le vieillir à l’aide de chalumeau, de coups de tournevis, de ponceuse.

Ils s’attaquent à des parties bien précises : celles qui subissent les assauts répétés du jeu du musicien, ou des roadies plus ou moins vigilants pour arriver à un résultat : avoir une guitare qui donne l’impression d’avoir été jouée pendant des années, avec au compteur, des milliers d’heures de gammes, de riffs de légende, de concerts, de backstage, de studio. Tout cela pour la modique somme de cinq cent targedareuhdixneuf francs !

Vous pouvez même, certains le font, demander à un luthier, à un ami fêlé, ou par vos propres soin, veillir votre guitare… Cette mode s’appelle le relicing, de relic in English, Relique. Il est donc possible de reliquer (prononcez bien) votre cher instrument. Enlevez du vernis sur la tranche de la guitare, faites des pets ici et là sur les échancrures de la guitare, sur la tête, bref sur les zones exposées et voilà, vous aurez une guitare qui aura l’air d’avoir un vécu, une histoire.

Personnellement je n’y vois aucun intérêt. Hormis le fait que j'ai du mal à accepter un micro pet sur ma guitare, je peine à comprendre objectivement la démarche, (comme je n'ai jamais compris les kékés mettant des autocollants pour faire rebelle). Ne parlons pas d’acheter un modèle « artiste » vieilli (la guitare hein !). 


Déjà que le modèle signature standard sera souvent hors de prix, quel intérêt alors de vouloir mettre des ronds en plus dans une guitare que vous préservez du coup de toute agression au vue de ce qu'elle vous a coûtée? Et puis vous n’êtes pas cet artiste…ce n’est pas vous qui avez fait tout ça. Ce n’est même pas lui car il ne s’agit pas d’un  de ses modèles perso !
Comme je l’ai dit plus haut, ces « marques d’usures » doivent faire partie de votre parcours, de votre histoire musicale, comme un baroudeur aime montrer ses cicatrices. Qui irait se faire faire des cicatrices chez un chirurgien pour avoir l’air d’avoir fait des trucs ! De surcroît c'est irrespectueux du travail du luthier qui a passé du temps pour fabriquer l'instrument et ce même s'il s'agit d'un modèle de série fabriqué à des milliers d'exemplaires !


Voici un exemple de relicing, sur une PRS. Sachez que ces guitares valent, s’il ne s’agit pas des modèles SE (plus cheap pour petits budgets), minimum 1400€ à l’argus et dépassent souvent la barre des 3000€ en neuf. En plus le résultat est laid.